Christophe Lavigne
Christophe Lavigne, la volonté de gagner

Sport

Handi-aviron : Christophe Lavigne, la volonté de gagner

À 48 ans, le rameur de Boulogne 92 aviron, Christophe Lavigne, médaillé de bronze aux Championnats du monde d’handi-aviron en août 2019, est tourné vers les Jeux paralympiques de Tokyo. Avec, comme armes, la volonté et le sourire.

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Pour la séance photo, Christophe Lavigne a dû retourner au bureau : il avait oublié ses prothèses de sport (étanches). Son entraîneur, Alexandre Bridel, 35 ans, qui a débuté au club dès la catégorie minimes, n’est pas surpris. "Christophe, c’est la joie de vivre, le sourire, mais il est aussi tête en l’air. L’an passé, à la fin d’une course en contre-la-montre à Caen, à 100 mètres de la sortie, pas concentré, il s’est pris un poteau : la rame a été cassée net", taquine encore le responsable du groupe handi-aviron du club Boulogne 92 aviron. Pas de quoi faire perdre sa bonne humeur au papa de deux grands garçons de 18 et 22 ans, "studieux et adorables". Cette bonne nature a été déterminante pour rebondir après le drame qui l’a touché à 23 ans. Christophe Lavigne est à quinze jours d’achever son service militaire, où on le surnomme Speedy Gonzales parce qu'il court tout le temps. L’avenir lui sourit : il vient d’emménager avec sa future femme et va reprendre son job dans un cabinet d’expertise comptable. Le train de Paris fait étape à Blois, où il est censé descendre. Endormi, il se réveille en sursaut et, tandis que le train redémarre, son paquetage se bloque dans la portière. Il perd l’équilibre, chute et reste coincé entre le quai et le train. "Je ne suis pas tombé dans les pommes. La peur était tellement forte, avec la montée d’adrénaline, que je n’ai pas eu mal, explique Christophe. Mais la douleur a commencé quand j'attendais les pompiers prévenus par le chef de gare." Il vous raconte cela sans pathos. Suivent quinze jours de soins intensifs, une opération de dix heures, des semaines d’hôpital et de rééducation. 

Un athlète en situation de handicap

Deux mois après l’accident, il est réappareillé. Verdict: amputation des deux jambes, à gauche au niveau fémoral et à droite au niveau du tibia. Il réapprend à marcher sans béquilles, renoue avec la vie active dans le cabinet qui l’employait puis se pose au Crédit agricole en 1996, où il est aujourd’hui coordinateur sourcing à la filiale paiement. Sportif dans l’âme, il ressent l’envie de travailler son cardio. Tombé par hasard sur un reportage consacré à un rameur paraplégique, il se renseigne sur un club d’aviron susceptible d’accueillir un athlète en situation de handicap. Et le voici qui atterrit, en janvier 2014, à l’ACBB, prestigieuse enseigne où règne Stéphane Tardieu, déjà médaillé d’argent à Londres, et de bronze en 2016 aux Jeux paralympiques de Rio. "L’ACBB a l’esprit de compétition. Et comme je suis assez joueur et que j’aime bien gagner…", lance Christophe. Sa progression est rapide, si bien qu’il intègre l’équipe de France, "ce qui, au départ, me paraissait inimaginable".

En route vers les jeux paralympiques de Tokyo 

Associé à la double médaillée paralympique Perle Bougue, installée à Bayonne et ex-partenaire de Tardieu, ils décrochent, au terme d’un superbe finish, le bronze en double mixte PR2 (catégorie bras et tronc) à Linz, en Autriche, le 31 août 2019. Reconnu athlète de haut niveau par le ministère des Sports, soutenu par la Ville de Boulogne-Billancourt, "même si j’ai du mal à me considérer ainsi", il voit le rythme de ses entraînements augmenter, atteignant 20 heures par semaine. Son employeur signe une convention et aménage son temps de travail pour le libérer l’après-midi. Les Jeux de Tokyo repoussés pour cause de crise sanitaire, il espère bien être de la partie, sa coque étant qualifiée grâce à sa médaille mondiale. "Ensuite, j’arrêterai sans doute la compétition mais continuerai l’aviron pour le plaisir et l’exigence", confie Christophe. En attendant, d’autres échéances se présentent, tels les championnats d’Europe en octobre, à Poznan, en Pologne. Son quotidien sur l’eau le mène à Boulogne-Billancourt. "Nous avons des infrastructures idéales, un équipement performant en terme de bateau, on bénéficie d’un coach dédié à l’handi-aviron et de nombreux bénévoles dans l’encadrement, jubile-t-il. Et puis, il y a l’architecture qui nous entoure, comme La Seine Musicale. J’en profite pour faire coucou à la tour Eiffel au demi-tour devant TF1. Seul souci, les péniches qui s’invitent aux entraînements et les perturbent. Sur l’eau, nous sommes seulement tolérés."