Yves Lehmann
Yves Lehmann

Sport, Vie des quartiers

"J’ai vécu à 91 ans le plus beau jour de ma vie de sportif !"

Après Odile Niox-Château, championne du monde de tennis à 87 ans, place aux messieurs. Boulonnais depuis 1968, Yves Lehmann se décrit comme un "athlète vieillissant de haut niveau". Ce membre du club Paris Jean-Bouin est devenu en octobre dernier champion du monde de tennis en double messieurs, à Palma de Majorque, dans la catégorie nouvellement créée des
Plus de 90 ans.

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Arrivé enfant en région parisienne, Yves Lehmann étudie les lettres, le latin et le grec au lycée Louis-le-Grand, avant, dans la Marine, de sillonner les océans puis de devenir un haut cadre de la société Pernod Ricard. Marié à Madeleine, excellente bridgeuse, Yves Lehmann, dont le fils Éric habite aussi la ville, est deux fois grand-père et profondément attaché à sa ville, qu'il trouve très belle.

BBI : Vous mesurez 1 m 84 pour 79 kilos, vous avez 14 de tension, un cœur qui bat à 64 pulsations par minute... Quel est le secret de votre vitalité ?

Yves Lehmann : Mon seul mérite est d’avoir entretenu mon physique de façon progressive et continue. Chaque matin, je remercie le ciel d’être là même si je porte un pacemaker. Ma devise première est se ipsum vincere, se vaincre soi-même. Je joue au tennis trois fois par semaine. Je pratique la marche nordique avec les copains au bois de Boulogne, que je connais par cœur. Quand je me sens bien, je lâche mes bâtons, j’accélère un peu. Il pleut ce matin ? Et alors ? On y va quand même ! Ensuite, je m’étire et pratique des assouplissements.

BBI : Si l’on excepte votre vie familiale, vos passions nous rappellent une mythique émission sur France Inter qui s’appelait "Sports et musique"…

Y. L. : J’adore le jazz vocal ! (voir encadré) Et le sport, qui est une véritable culture commençant au plus jeune âge. Mes parents (son père était mutilé de guerre, NDLR) m’ont permis de toucher à plusieurs disciplines. Mon frère - aujourd’hui décédé - pratiquait le volley, l’aviron, etc. J’ai eu une vie professionnelle très prenante, jamais le temps ! La retraite venue, en 1989, je me suis dit : il est temps de commencer à faire du sport sérieusement.

BBI : Vous étiez aussi un infatigable coureur à pied...

Y. L : J’aimais la course sur route, plutôt que le cross. À différents niveaux de vétérans, j’ai couru Paris-Versailles, plusieurs semi-marathons de Boulogne, et de très nombreuses courses locales, avec plus d’une trentaine de victoires dans mes catégories d’âge. J’ai également pratiqué le "décathlon olympique moderne", qui inclut 10 compétitions sur une année complète, dont la natation et le tir à la carabine. J’ai été 2e au niveau national.

BBI : Et le tennis, c’est aussi une formidable aventure, avec ce championnat du monde super seniors…

Y. L : J’étais un honnête joueur, classé 15/2, mais sans plus, n’exagérons rien. J’ai été champion de France double mixte en 1996 avec Géraldine Vivarelli, j'ai remporté ma première victoire internationale en 2009 contre un Mexicain. En prenant de l’âge, j’ai eu envie de participer à des tournois à l’étranger pour me comparer aux autres. La Fédération internationale de tennis ouvrant pour la première fois son mondial aux plus de 90 ans, mon ami Henri Crutchet – il est meilleur que moi – m’a convaincu de le jouer avec lui. En finale, nous avons battu les Tchèques 6-4, 6-2. "Nous sommes champions du monde", m'a-t-il dit. La Marseillaise, sur le podium, c’était… (les larmes lui viennent aux yeux) beaucoup d’émotion. Le plus beau jour de ma vie de sportif à 91 ans !

BBI : Dans cette période de pandémie, vous pensez d’abord à la jeunesse…

Y. L. : Oui, je pense aux jeunes, et suis d’ailleurs heureux de figurer dans BBI à côté du tournoi des 10-12 ans du TCBB. Dans les clubs sportifs, forcément, à mon âge (il rit), je fréquente et ai toujours fréquenté des plus jeunes. Le Covid, aujourd’hui, est très dur pour notre jeunesse, ceux qui cherchent du travail, des stages, ou étudient. Je me fais du mauvais sang pour eux.

Propos recueillis par Christophe Driancourt

Le jazz vocal, l'autre potion magique d'Yves Lehmann
Féru de sport, Yves Lehmann, qui ne jure que par sa ville, est et fut un des piliers de la médiathèque Landowski et de son "fantastique" rayon CD. "J’adore le jazz vocal", s’enthousiasme-t-il. Et de citer tout de go une vingtaine de chanteuses de jazz, anciennes ou modernes. Au fil des emprunts, il s’est même gravé des compilations (70 % de femmes, 30 % d’hommes) joliment baptisées "Celles que j’aime…"