Jean-Baptiste Vergnot
© Bahi

Paroles de boulonnais

Jean-Baptiste Vergnot, le Groenland est son royaume

Là-bas, j’ai rencontré la Nature à l’état pur, une autre planète…

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Installé à Boulogne-Billancourt depuis 1977, Jean-Baptiste Vergnot, 73 ans, a été intronisé membre de la Société des explorateurs français en 1986 avec la bénédiction du regretté Paul-Émile Victor. Entre 1979 et 1986, ce grand voyageur tombé amoureux du Groenland a effectué huit expéditions dans  le Grand Nord dont cinq, estivales,  à bord de son moyen de transport favori, le kayak. Mais aussi trois hivernales,  en traîneau à chiens, par -40 degrés. 

Son appartement de la rue Georges-Sorel, mi-musée, mi-sanctuaire, témoigne des innombrables passions de ce Boulonnais aussi discret que rayonnant lorsqu’il les évoque. La passion du sport, du vélo, de l’athlétisme qu’il pratiqua au Stade français, des oiseaux, en tant que membre de la LPO, des papes, aussi, dont les photos ornent une de ses vitrines. Fou de Venise, il a participé trois fois, en kayak, à la Vogalonga, célèbre course de 35 km. Il a voyagé un peu partout. Mais l’horizon qu’il préfère est blanc comme la neige et la glace et se trouve tout là-haut dans l’Arctique, au Groenland, où il s’est rendu huit fois entre 1979 et 1986. Prononcez les trois syllabes et cet ancien podologue, ex-titi parisien de l’île Saint-Louis qui rêvait gamin devant les bouquinistes, devient intarissable.

Tout petit, j’ai eu envie de partir à l’aventure. Là-bas, j’ai rencontré la Nature à l’état pur, une autre planète, découvert des gens accueillants. C’était à une époque où il y avait encore peu de touristes. Dès que je revenais, je n’avais qu’une envie, y retourner !

Expert des kayaks du monde entier, il effectuera son premier raid sur un "Chauveau démontable", pesant 19 kilos et mesurant 4 m 20. Sans les GPS d’aujourd’hui, avec carte et boussole, une tente, frôlant des icebergs hauts comme Notre-Dame, naviguant entre les redoutables grollers, ces dangereux blocs de glace dérivants. Pendant le premier confinement, le voyageur a décidé de rassembler ses souvenirs, classé des centaines de photos, de documents, de cartes, de blasons, ordonné un récit qui pourrait devenir un formidable livre. On le suit sur la côte ouest du Groenland, d’Ilulissat, dans la baie de Disko, à Port-Victor, premier camp de base, en 1948, des Expéditions polaires fran
çaises. Au fil des raids et des années, nous faisons halte à Upernavik, Qaanaaq, Siorapaluk… ou encore du côté de la très protégée base militaire de Thulé. Pour mieux s’approcher de la culture inuit (le mot lui-même signifie "grands hommes"), le baroudeur suit alors des cours de langue inuktitut avec la professeure Michèle Therrien, esquimaude du Québec et spécialiste de la culture inuit.

Adoubé par Paul-Émile Victor

Ses yeux brillent à l’évocation d’une chasse au narval vécue dans le golfe d’Ingefield.

Fuyant les épaulards, les narvals migrent vers une petite baie. Les femmes, sur les hauteurs, surveillent les mouvements grâce à leurs jumelles, puis les chasseurs partent sur leur kayak équipés de leurs harpons propulsés à plus de 20 mètres. Les Esquimaux ne tuent pas pour tuer mais pour se nourrir, en respectant leurs proies. S’ils identifient que la bête est une femelle, ils ne la chassent pas

Ces leçons de vie n’ont d’égal que l’accueil des Inuits qui, après avoir jaugé les motivations de sa présence, lui ouvrent leurs portes pour des repas et des sourires partagés. Grand admirateur de l’ethno-historien Jean Malaurie, Jean-Baptiste Vergnot attira aussi l’attention de l’explorateur Paul-Émile Victor, un "homme affable, bienveillant, accueillant", qui lui concocte une lettre de recommandation en vue d’une admission dans la Société des explorateurs français. "Jean-Baptiste Vergnot est un fana de kayak, il est aussi passionné de l’Arctique et des Esquimaux, les Inuits (…) Pagayer au milieu des icebergs sur une mer souvent hostile demande une technique sûre, une grande volonté et un courage exceptionnel (...) Il a les qualités nécessaires pour réussir dans cette vie d’aventurier risquée, il prouve que l’aventure n’est pas morte. J’espère qu’il servira d’exemple…", écrit Paul-Émile Victor. Jean-Baptiste Vergnot, qui s’en réjouit à l’avance, fera sans nul doute partie des visiteurs éclairés de la Maison de la planète de Boulogne-Billancourt.