Jean-Sébastien Beslay, sculpteur de colosses
©Sandra Saragoussi

Paroles de boulonnais

Jean-Sébastien Beslay, sculpteur de colosses

On m’a proposé des ateliers à Paris, mais je ne veux pas quitter Boulogne-Billancourt, la ville des sculpteurs.

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Un colosse resplendit dans une lumière de printemps précoce. Le géant, à l’entrée du jardin, fracasse le globe terrestre à coups de marteau. Il est en résine, pigmenté de rouille. Derrière le petit jardin fleuri, gardé par cet étrange dieu furibond, nous découvrons des étagères remplies de têtes : la "femme en colère", la "femme rêveuse", "l’éphèbe prétentieux", qui voisinent avec des bas-reliefs. Plus loin, un homme prend son "Envol", les bras écartés. Ces œuvres ont quelque chose de spécial : du caractère ! Depuis une quinzaine d’années, Jean-Sébastien Beslay ouvrage patiemment des créatures de bronze et de résine (près de 60 pièces sont sorties de ses mains), au gré de ses thématiques baignées de mythologie et d’actualité, "L’homme face à la planète", ou "Les migrations".

Certaines lui réclament six mois de labeur, d’autres, plus de temps encore pour obtenir, résume cet admirateur de Michel-Ange, "une ambivalence entre la force et la légèreté". Il a fallu qu’un matin, ce patron d’entreprise, qui avait monté une société de finance le 11 septembre 2001, passe devant un atelier de sculpture pour que l’inspiration le gagne. Ce matin-là, il entre, observe de jeunes statuaires qui, à partir d’un bloc de terre, construisent des personnages, à mi-chemin du dessin et de l’architecture, du réalisme et du cheval ailé. Jeune marié, père de jumeaux, il comprend qu’une autre vie est possible, à côté des chiffres et d’une voie familiale formidable. Il s’inscrit à l’École Duperré, suit l’enseignement de Philippe Seené, aujourd’hui professeur à l’École Boulle, enfile un tablier et commence à modeler la pâte.

Gestionnaire le jour, artiste le soir

Le gestionnaire rigoureux découvre un art onéreux, un peu fou et vorace, qui avale vos journées, tourmente vos nuits.

Je me réveille quelquefois en sursaut parce que j’ai une idée. Je ne suis pas toujours présent. 

Avoir un colosse dans la tête n’a rien de reposant. Il s’installe à Boulogne-Billancourt, emménage rue du Château, attiré par les nombreux loisirs que la ville propose aux enfants, au Carré Belle-Feuille, poterie, dessins, judo. Ses enfants, tous deux âgés de 18 ans, restent très attachés à Boulogne- Billancourt. Ils viennent d’obtenir leur baccalauréat et préparent chacun une école de commerce. Le gourmand qu’il est, auteur d’une œuvre gourmande, apprécie les commerces de bouche. Il a ses habitudes dans ses restaurants préférés, aime la nourriture méditerranéenne.

Je n’ai jamais vu autant de diversité, de fromagers, de bouchers, de poissonniers. J’aime beaucoup le marché Escudier, mon plaisir du dimanche.

Le jour, il mène son métier ordinaire, le soir, il s’adonne à son activité extraordinaire, modelant ses formes humaines ou plutôt inhumaines, dans sa cave. Il y a huit mois, quand le peintre occupant un atelier rue Gutenberg part, il n’hésite pas, et l’achète. "Je suis orienté plein sud, j’ai une belle lumière, même si je manque de hauteur de plafond pour y bâtir des pièces plus grandes. On m’a proposé des ateliers à Paris, mais je ne veux pas quitter Boulogne-Billancourt, la ville des sculpteurs." Il cite Max Blondat (1872-1925) et Paul Landowski (1875-1961), qui y ont laissé leur empreinte, heureux d’avoir exposé quatre de ses œuvres au musée Paul Belmondo et à l’espace Landowski. Il se sert de la lumière qui éclaire la rue.

Au fur et à mesure qu’elle tourne dans la journée, la sculpture change d’expression. Une sculpture doit vivre. Sinon, elle a un côté mortuaire.

Lauréat du concours des Talents boulonnais en 2019, Jean-Sébastien Beslay animera un atelier modelage le dimanche 27 mars au musée Paul Belmondo dans le cadre du Printemps de la sculpture.