Odile Niox Chateau
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Paroles de boulonnais

Odile Niox Chateau, championne du monde à 87 ans !

Les plus jeunes ne peuvent s’imaginer à quoi ressemblait cette ville et comment elle s’est modernisée

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Née le 3 novembre 1934, d’un dynamisme stupéfiant, Odile Niox Chateau, boulonnaise depuis 1960, est un cas à part. L’ancienne professeure agrégée de physique, sportive accomplie, vient de remporter, en octobre, le titre de championne du monde de tennis dans la catégorie simple dames, 85 ans.

Si tout le monde avait la santé de sa chère grand-maman, le Boulonnais Stanislas Niox Chateau, lui-même ancien tennisman, aurait bien eu du mal à lancer le site de réservation Doctolib avec le succès que l’on sait. Il faut dire que la dame, ligne impeccable, yeux rieurs, affiche un CV qui défie le temps : 4 enfants, 9 petits-enfants, 3 arrièrepetits-enfants, mais aussi… des dizaines de coupes et médailles dont une, la plus belle, toute récente, est en or. Elle l’a gagnée aux championnats du monde ITF "super seniors" à Majorque, en Espagne, battant en finale la Mexicaine Alejandrina Pinedo après avoir écarté en demi-finale June Pearce, la Britannique. 

L’Anglaise m’avait toujours battue, et là, c’est passé. Même si nous ne sommes plus toutes jeunes, ça joue encore pas mal

On se demande quel est le secret de la super tennis woman, qui avait déjà glané l’argent et le bronze lors des précédents mondiaux. Elle n’en a pas. "Je ne fais pas attention à ce que je mange, mais je ne grignote pas entre les repas, sourit-elle. En revanche, j’avoue parfois me faire violence pour partir à l’entraînement, le matin. Et je fais aussi de bonnes séances d’étirement." Odile, eh oui, s’entraîne tous les jours, au Tennis club de Paris. Et randonne tous les week-ends (une bonne quinzaine de kilomètres) avec l’association des Amis de la nature. Là, quand c’est son tour de mener la troupe, elle parcourt les beaux chemins franciliens et part parfois de Boulogne-Billancourt, direction les dénivelés du parc de Saint-Cloud, retour par les bords de Seine, l’île Saint-Germain. L’octogénaire est impatiente que la passerelle reliant le pont de Sèvres à l’île Seguin soit ouverte. Le parvis de La Seine Musicale, "cette place si vivante, avec ses restaurants, elle adore".

Les plus jeunes ne peuvent s’imaginer à quoi ressemblait cette ville et comment elle s’est modernisée, remarque Odile Niox Chateau. Au début des années 60, la ville était encore en reconstruction, on trouvait des terrains vagues, des cloaques, le centre-ville actuel n’existait pas. Et il y avait cette foule bigarrée, les ouvriers de chez Renault, des Nord-Africains, des Italiens, des Espagnols. Avec tous ces hommes, en 1960, on se sentait rassurées en prenant le métro, même tard !

Née Givaudon, titi parisienne, Odile habita enfant du côté du Champde-Mars. Pendant la guerre, il n’y avait pas grand-chose à faire. Alors… elle courait ! Elle garde "comme si c’était hier" des souvenirs de la rafle du Vel’d’Hiv, de ces juifs qui fuyaient, tentaient de se cacher. Certains furent accueillis chez ses parents.

Je n'aimerais pas être battue par une plus jeune

 Jeune femme, elle franchit la Seine pour rejoindre son mari, Jean, qui habitait rue Tisserand. Sa belle-mère, la maman de Jean, n’était autre que Marie-Aimée Niox Chateau, pionnière des pédagogies novatrices, dont une crèche boulonnaise porte le nom. Puis Odile Niox Chateau, agrégée de physique, professeure en lycée, à Saint-Maur et à Neuilly, fit toute sa carrière dans l’enseignement. "Les hommes partaient à la guerre d’Algérie, beaucoup de femmes sont devenues profs à l’époque, analyse-t-elle. Il n’y avait pas le choix. Les enseignants n’étaient pas trop bien payés, souvent mal considérés. Mais j’ai fait découvrir l’astronomie à de nombreux élèves, c’était assez nouveau ! Je partais chaque matin avec la joie au cœur." Un peu comme aujourd’hui, elle prend la direction des courts de tennis. Après la disparition de son époux, Odile Niox Chateau s’est installée dans un appartement calme surplombant le boulevard Jean-Jaurès, pas si loin de Roland-Garros. Madame vient récemment de "faire le ménage", se débarrassant d’une kyrielle de coupes et trophées gagnés depuis les années 1960. Côté télé, elle a tous les abonnements qu’il faut pour suivre les grands tournois de tennis. Et joue régulièrement la nounou pour garder les enfants de "Stan". L’agenda pour 2022 n’est pas encore fixé. Les prochains championnats du monde se dérouleront en Floride, et elle ne sait pas encore si elle s’y rendra. Surtout, après avoir décroché le titre suprême, elle s’interroge, non sans malice :

À nos âges, une année de plus ou de moins peut faire la différence, je n’aimerais pas être battue par une plus jeune !