Françoise Niay

Fan de Gustave Doré, Françoise Niay suit les traces des botanistes voyageurs du XVIIIe siècle. Elle se dit dessinateur, elle insiste : pas peintre, dessinateur.

Elle dessine, en effet, exclusivement, au pastel sur papier, et cite volontiers Goethe :

Ce que je n’ai pas dessiné, je ne l’ai pas vu.

Agrégée en histoire de l’art, elle a participé pendant dix ans à l’aventure de l’Université populaire de Caen avec le philosophe Michel Onfray.

Elle voyage, armée de rouleaux de papier grands comme des tapis, collabore avec des scientifiques, des biologistes et botanistes, des philosophes, et se consacre à la découverte et à la célébration de la nature et de sa beauté, dans le détail. Également bestiairologue, elle traque non la bestiole, mais sa représentation au fil du temps, et se consacre à la fabrication de son propre cosmos, peuplé de plantes, de pollens, de planètes, de bêtes et d’hommes.

Dans les premiers temps se constitue à l’atelier un herbarium monumental, à la craie noire, une centaine de plantes. Les formats sont énormes, au regard de l’outil minuscule (de simples craies) qui les produit : des pollens sont ainsi furieusement agrandis comme des planètes et des planètes réduites pour se plier aux espaces des expositions. La souplesse des papiers déroulés épouse facilement les murs, offrant des combinaisons et des possibilités d’installations sans fin. Dans cette oscillation entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, Françoise Niay trouve sa place, toujours en compagnie du philosophe Pascal :

Je veux contempler l’immensité de la Nature, dans sa haute et pleine majesté.

De 1992 à 2005, elle participe à l’aventure de l’Artsenal, collectif d’artistes internationaux, pour la plupart Coréens, mais aussi Chinois et Japonais. Dans cet univers asiatique, Françoise Niay se reconnaît parfaitement. Les papiers se déroulent librement dans la tradition chinoise, la célébration de la nature joue un rôle essentiel au Japon, enfin un type de dessin frontal, fort, trouve son écho en Corée du Sud, ou le centre domine dans la composition.

Parallèlement, elle part travailler sur le continent africain, au Zimbabwe, avec le botaniste Pierre Poilecot. De cette rencontre naîtra la belle exposition Herbarium à la National Gallery, une confrontation entre les petits dessins minutieux du scientifique consacrés à la vérité, et les siens, surréalistes. Les jungles noires et les dunes bleues, très grands formats, font leur apparition. Du Zimbabwe à la Namibie, il n’y a que le fleuve Zambèze à traverser. La rencontre avec cette terre grandiose fera le reste.

Sa collaboration avec les Namibiens se poursuit encore aujourd’hui. S’en suivent trois expositions à la National Gallery et au Centre culturel français, plus trois workshops dans le désert, à la Kuiseb River, station scientifique destinée à l’étude de l’écosystème du lieu. Comme d’habitude, des ateliers pour les étudiants jalonnent les expositions. Partage, confrontations : Françoise Niay conçoit sa pratique comme ouverte.

Au Centre culturel français de Ouagadougou, immense espace, collaboration avec l’artiste Drahman Cherif, designer. Découverte de l’architecture et des paysages soudanais. Carnets de voyages. Au Canada, à Montréal, exposition au Centre culturel français avec des palynologues (le palynologue scrute les grains de pollen au microscope, et en tire des conclusions ahurissantes sur la dérive des continents). En 2005, Françoise Niay embarque pour l’Université populaire de Caen et travaille avec des mathématiciens et surtout des philosophes. A ce jour, elle a inventé plus de 80 séminaires et raconté l’art contemporain de l’intérieur : ses voyages, ses rencontres, ses coups de cœur pour les artistes qui l’accompagnent depuis toujours et constituent son musée imaginaire, en même temps qu’elle construit son univers à l’atelier.

Les bêtes entrent en scène

Elle part en Ouganda étudier les gorilles, et aussi en Éthiopie. Après les herbiers, fabrication de son "fabuleux et prodigieux bestiaire". Cette fois, l’atelier se transforme en ménagerie. Les aquariums et les réserves sont son terrain de chasse. Évidemment interrogée par notre relation dramatique à l’animal, par son sort précaire, elle a raconté pudiquement la disparition des espèces, et la mort des kangourous, avant même que l’Australie ne flambe. Françoise Niay est actuellement représentée par la galerie Arnaud Bard.