Aménagement urbain, Architecture, Histoire

Les Glacières ou l’histoire d’une industrie révolue

Au début du XXe siècle, deux entreprises installées à Boulogne-Billancourt approvisionnaient la région parisienne en glace et eaux glacées. La dernière ferma ses portes en 1980.

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La Société des glacières de Paris est fondée le 25 août 1866. À cette époque, la glace est encore recueillie en hiver sur les lacs des bois de Boulogne et Vincennes et conservée jusqu’à la vente dans d’immenses glacières : de grands puits maçonnés creusés à proximité immédiate des lacs. L’entreprise rencontre un grand succès. Elle crée de nombreuses agences à travers la France : Lyon, Marseille, Saint-Étienne, Vichy.
Mais, lors d’hivers peu rigoureux, la glace ne se forme pas. Les Glacières de Paris font donc l’acquisition de glacières naturelles à Chamonix et à Sylans, dans l’Ain, ou vont se fournir en Suisse et en Norvège. On imagine aisément la perte qui pouvait se produire lors de l’acheminement jusqu’à la capitale. Pour accueillir la production de glace artificielle grâce à un procédé qui utilise l’ammoniaque comme agent frigorifique, en 1899, la société fait construire à Billancourt, sur un terrain bordé par les rues de Meudon, Nationale et Émile-Pouget, une importante usine de plus de 22 000 m² où s’affairent à peine 30 employés l’hiver, contre environ 50 l’été.

Boulogne-Billancourt devient la ville du froid

Pour répondre à la demande croissante, en 1905, s’installent au 29-31, rue des Abondances, les Glacières de Boulogne. De moindre importance, elles ne comptent que 5 ouvriers en hiver et 12 en été pour faire fonctionner les machines à vapeur et les moteurs à gaz actionnant les compresseurs. Au fil des années, le bal des camionnettes de livraison remplace peu à peu celui des voitures tractées par les chevaux pour le transport de la glace jusqu’à Paris et, malgré les plaintes du voisinage concernant le bruit incessant des machines et les émanations chimiques, Boulogne-Billancourt devient la ville du froid.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’usine de Billancourt est gravement endommagée lors des bombardements alliés du 3 mars 1942 – 9 bombes tombent sur les hangars et les cours – et du 4 avril 1943 – le corps du bâtiment principal est alors particulièrement touché. Les travaux de reconstruction sont lancés dès la fin de la guerre. Si le premier bac à glace est mis en service le 16 avril 1947, l’inauguration officielle de la nouvelle usine n’a lieu que le 20 juin 1952.

La concurrence des réfrigérateurs

Néanmoins, l’entreprise doit faire face à une baisse assez sensible des ventes due à la concurrence des réfrigérateurs électriques et des fabriques individuelles. En 1956, l’installation de la patinoire de la Fédération française des sports de glace apporte un regain d’activité aux Glacières. Des conduits souterrains relient les deux bâtiments afin d’acheminer le froid et la glace. Par ailleurs, l’entreprise diversifie son activité en créant des chambres froides et un entrepôt frigorifique dédié à la viande et aux produits surgelés dont l’exploitation débute en 1962. Pourtant, le temps des glacières est révolu.
Si celles de Boulogne poursuivront leur production jusqu’en 1980, dès 1974, la Société nouvelle des glacières de Paris annonce son départ. Le 30 septembre, le conseil municipal décide de la création d’un espace vert sur le terrain acquis par la Ville l’année suivante. En 1976, les bâtiments sont démolis et un plan d’aménagement est voté. De février à l’été 1977, plus de 24 000 m3 de terre sont apportés pour permettre les travaux de remblaiement et le terrassement tandis qu’en octobre, l’assainissement et l’alimentation en eau et électricité sont réalisés. Les plantations débutent en 1978, mais il faut attendre juin 1979 pour que le parc soit ouvert au public. Tout naturellement dénommé parc des Glacières, il conserve le souvenir d’une entreprise qui fit le succès de la ville pendant près d’un siècle.